Qui, de bonne foi, ne s’est jamais trompé dans sa vie ?

Il est donc logique que le droit à l’erreur puisse être élargi aux rapports entreprises/administration. C’est à tout le moins un principe que le projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » devrait consacrer.

Durant sa campagne électorale, le candidat Emmanuel Macron avait affiché sa volonté de prévoir un “droit à l’erreur” pour les formalités administratives. Sa conviction : “le cœur de la mission de l’administration ne sera plus la sanction mais le conseil et l’accompagnement “.

Est-il besoin d’épiloguer longuement sur cette initiative ?

Qui pourrait être contre une telle démarche dans un pays où le Journal Officiel a augmenté de 75 % en dix ans, où le Code du travail fait plus de 12 000 articles (contre 54 pour la Suisse…)….en un mot, où le commun des mortels et le plus honnête des dirigeants peuvent, sans le faire exprès, ignorer la loi.

Faut-il en outre rappeler qu’aujourd’hui, se tromper – même de bonne foi – peut coûter très cher pour une entreprise ?

Ainsi en matière URSSAF, plus de la moitié des redressements concernent des employeurs de bonne foi qui ont mal interprété des textes de plus en plus compliqués et qui en conséquence devront payer les cotisations sociales patronales, salariales et les majorations de retard…une addition pour le moins salée s’agissant souvent de simples manquements.
En juin 2017, un projet fut déjà rédigé en ce sens. Cependant, ce textetechnocratique était loin des ambitions de départ et n’apportait rien de neuf.
Ainsi, en matière fiscale, une amende est infligée en cas « d’accomplissement conscient d’une infraction ». Et il incombe déjà à l’administration de démontrer cette conscience. Les dispositions annoncées ne changeaient rien en la matière.
S’agissant de l’URSSAF, un droit à l’erreur sur les déclarations sociales a déjà été établi par un décret du 8 juillet 2016 : sauf en cas d’omission de salariés dans la déclaration ou d’inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées, aucune majoration ou pénalité n’est appliquée (à la condition que le versement soit inférieur à un certain montant).
Qui plus est, l’employeur qui demande une remise n’a plus à établir sa bonne foi.
En outre, le projet de texte excluait du droit à l’erreur les sanctions pénales. Ce qui revenait à le vider de tout intérêt dès lors que la plupart des manquements en matière sociale et fiscale relèvent des infractions pénales.
L’été fut donc mis à profit pour muscler des dispositions désormais incluses dans un projet de loi … qui s’apparente néanmoins à un recueil à la Prévert de mesures censées renforcer la confiance entre l’administration et l’entreprise.

Il reprend en effet le projet de texte sur le droit à l’erreur (qui n’apportera donc strictement rien de plus aux entreprises), l’extension du « rescrit » (possibilité d’interroger une administration sur une pratique) à d’autres administrations comme les douanes,le « droit au contrôle à blanc » (les entreprises pourront réclamer des contrôles des administrations, qui se trouveront alors dans une situation de conseil et non plus de sanction), la médiation dans les URSSAF….

Mais le compte n’y est pas.
On peut sérieusement douter que ces dispositions, rédigées dans un pur style administratif, apportent quelque chose, en l’état, aux entreprises.

Prenons l’exemple du rescrit : en 2015, deux députés (Bernard Gérard en Marc Goua) ont signé un rapport « pour un nouveau mode de relations URSSAF/Entreprises ». Ils notaient déjà que le système du rescrit relevait de « l’usine à gaz » et plaidaient pour une simplification urgente. Ce que ne prévoit aucunement le projet de loi.

De même, compte tenu de la défiance qui existe entre les URSSAF et les employeurs, on a du mal à les imaginer réclamer des « contrôles à blanc ».

Quant à la médiation dans les organismes de recouvrement, pourquoi créer une instance supplémentaire alors qu’existent déjà des commissions de recours amiables ? ….

Finalement, comme le dit Alain Lambert, ancien ministre du Budget, et président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEM), le texte n’est pas à la hauteur du défit à relever : « l’exécutif ne se donne pas les moyens de ses ambitions, on a changé de président, mais pas d’administration », estime-t-il.

Cette remarque sévère est somme toute logique vis-à-vis d’un texte qui reste à côté de la plaque, et qui évite de traiter des véritables sujets, c’est-à-dire des rapports de confiance entre les entreprises et les administrations.

Ce dont les entreprises ont essentiellement besoin aujourd’hui, c’est d’une administration qui les accompagne au lieu de les sanctionner.

En matière de contrôle, il leur faut surtout un cadre juridique qui renforce le dialogue et le respect de la procédure contradictoire. Et de tout cela, il n’est pas question dans ce projet de loi.

Si ce texte est voté en l’état, il sera vite rangé au rayon des oubliettes. Une fois de plus, ce sera une loi pour rien.

Partager
Article suivant103 975 € pour une robe de mariée ?
Cercle Lafay
Le Cercle Lafay (du nom de Bernard Lafay, député qui avait proposé en 1952 la généralisation des URSSAF) regroupe des spécialistes qui s’intéressent à cette institution et en dénoncent les excès.

Laisser un commentaire