Cass civ.2°. 15 juin 2017. pourvoi n° 16-16830
Dès lors qu’un redressement URSSAF a été élaboré sur la base de documents transmis par un cotisant suite à une journée d’information et d’échanges, ledit redressement est irrégulier
Les faits
Par courriel du 27 mai 2010 l’URSSAF du Rhône avait invité une société à une journée d’information et d’échanges. L’invitation jointe à ce message faisait état de ce que la matinée du 30 juin 2010 serait consacrée à la présentation de thèmes généraux, dont une liste était fournie à titre indicatif (actualité législative et réglementaire, principaux motifs de régularisation sur le segment des grandes entreprises…), et informait les entreprises de ce que l’après-midi, sur demande, des rendez-vous individualisés et personnalisés seraient organisés sur des sujets plus spécifiques. Par courriel du 7 juillet 2010 la société faisant suite à l’entretien du 30 juin, avait adressé à l’URSSAF « les documents relatifs à notre plan de départ volontaire ». Par message électronique du 12 juillet 2010 les services de l’URSSAF avaient adressé à l’entreprise des éléments de réponse à deux questions évoquées lors de la réunion du 30 juin 2010, avait accusé réception des documents transmis et avisé la société qu’elle serait informée de sa position sur le problème posé (traitement social des indemnités de départ volontaire). Puis, par courriel du 16 décembre 2010 les services de l’URSSAF avaient informé l’entreprise qu’elle ferait prochainement l’objet d’un contrôle au titre des années 2008,2009 et 2010. Enfin par lettre recommandée du 19 janvier 2011 le cotisant avait été informé que les opérations de contrôle débuteraient le 14 février 2011 et avait été invité à tenir à disposition des contrôleurs les documents nécessaires à la vérification, dont l’ensemble des documents sociaux comprenant notamment les accords d’entreprise en vigueur sur la période contrôlée. Au terme de la vérification, la société avait fait l’objet d’un redressement portant notamment sur les indemnités de départ volontaire payées à divers salariés en exécution de l’avenant du 7 octobre 2009 et pour un montant en principal de 5 721 432 euros.
Les arguments
Si l’URSSAF considérait la vérification régulière, la société invoquait sa nullité en relevant que c’est sur la base de renseignements collectés antérieurement aux opérations de contrôle, à l’occasion de réunion d’information organisée entre les parties le 30 juin 2010 et d’échanges de mails ou téléphoniques ultérieurs, que l’URSSAF avait procédé au redressement sur les indemnités allouées dans le cadre du plan de départs volontaires. La Cour d’appel de Lyon avait cependant considéré le redressement régulier en notant que s’il résultait des correspondances versées aux débats que la question de l’assujettissement des indemnités de départ volontaire versées en exécution de l’avenant à l’accord de GPEC avait été abordée à l’occasion de la réunion d’information du 30 juin 2010, il n’était pas démontré que le texte de cet accord avait été remis aux services de l’URSSAF antérieurement aux opérations de contrôle (Lyon. 8 mars 2016. RG n° 15/02613).
La solution
Logiquement, la 2° chambre civile casse cette décision en notant que le courrier électronique du 7 juillet 2010 de transmission des pièces relatives au plan de départ de volontaire faisait mention de documents adressés en pièces jointes et que le courrier de l’URSSAF du 18 février 2011 faisait mention au titre des documents transmis par l’entreprise à l’appui de sa demande d’informations, de l’accord relatif à la mise en place du plan, de la convention signée entre l’employeur et une salariée ayant bénéficié de ce plan, ainsi que du bulletin de paie de cette dernière.
Portée de la décision
Outre le fait que la méthode utilisée par l’URSSAF, de procéder à un contrôle suite à une journée d’information et d’échanges, était peu élégante, elle était juridiquement condamnable ! En effet, dans le cadre d’un contrôle sur place, un redressement ne peut être opéré que sur la base de pièces et de déclarations recueillis lors de la vérification et soumis au principe du contradictoire. Or, en l’espèce, il était clair que les pièces avaient été obtenues plus de six mois avant le début des opérations de contrôle. Qui plus est, la question de l’assujettissement des indemnités de départ volontaire avaient été abordée avec une salariée de la société à l’occasion d’une réunion d’information dans les locaux de l’organisme de recouvrement le 30 juin 2010. Or, la société invoquait justement qu’hormis le cas de travail dissimulé, les auditions de salariés ne sont possibles qu’au sein de l’entreprise contrôlée ou sur les lieux de travail et dans le cadre d’une vérification (les inspecteurs vont au-delà de leurs pouvoirs en interrogeant les salariés en dehors de l’entreprise, sur le lieu de leur domicile : Cass soc., 6 juin 1996, JCP, 1996, ed E, pan 829 – V. Versailles, ch. 5, 27 septembre 2012, RG n° 10/01355 : l’inspecteur peut interroger les personnes rémunérées par l’entreprise dans les locaux de la société ou sur leur lieu de travail; entraîne la nullité du contrôle le fait pour l’inspecteur d’entendre un salarié au sein des locaux de l’URSSAF ou à son domicile ou d’y envoyer un questionnaire, ou en envoyant des questionnaires au domicile des intéressés : Cass., civ. 2 e ,10 mai 2005, pourvoi n° 04-30046 – V. également en ce sens : Cass., soc., 27 février 2003, pourvoi n° 01-21149 ou encore en procédant à l’audition d’un salarié appartenant à une entreprise étrangère à celle faisant l’objet de la vérification : Cass., soc., 26 octobre 2000, pourvoi n° 98-18578).
La cause est entendue. Ceci étant, cette décision pointe la nécessité de préciser, dans le cadre de l’article R 243-59 du Code de la sécurité sociale, les droits des organismes de recouvrement et les garanties des cotisants quant à la consultation des documents. Certes ledit article indique que la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle. Toutefois, cette précision peut sembler insuffisante. Sans doute parait il cohérent que les documents à l’origine du redressement aient été obtenus lors du contrôle. Mais en allant plus loin, que décider lorsque l’URSSAF, dans le but de mener le contrôle plus rapidement, demande l’envoi de documents par mail s’agissant d’un contrôle sur place (situation fréquente) ? Que conclure en cas d’emport de documents par l’inspecteur ? Que convenir si l’inspecteur copie des données informatiques sur clé USB pour les traiter ensuite au sein de l’organisme ? Les solutions dégagées par la jurisprudence quant à ces interrogations ne sont pas nombreuses (V. toutefois : Caen. Chambre sociale 2. 1° février 2013. RG n° 10/01822 : si, en vertu de l’article R. 243- 59 du code de la sécurité sociale les employeurs sont « tenus de présenter » aux agents du contrôle mentionnés à l’article L. 243 – 7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l’accès à tout support d’information que leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle, cette « présentation » doit avoir lieu dans les locaux de l’entreprise et l’inspecteur ne peut pas emporter les documents à consulter sans qu’un inventaire soit dressé et qu’une décharge en soit donnée par l’employeur, sauf dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Cette irrégularité qui porte atteinte aux droits de la société doit donc être sanctionnée par la nullité du contrôle et du redressement subséquent qui en a été la conséquence. V dans le même sens : Angers. Chambre sociale. 12 Janvier 2016. RG n° 13/02416 – n° 13/02414). Or, on peut regretter sur ces points essentiels, que l’article R 243-59 susmentionné soit muet et que les USSAF profitent bien souvent d’une carence des textes pour s’attribuer de nouvelles prérogatives. Sans doute, dans un souci de transparence et de sécurité juridiques, des précisions en la matière seraient elles les bienvenues.