Au 18° siècle, Montesquieu, dans les lettres persanes relevait avec juste raison qu’ « il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare ; et lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que s’agissant du travail illégal ou du travail dissimulé, il y a belle lurette que la main du législateur ne tremble plus, puisque celui-ci nous gratifie de nouvelles dispositions au moins une fois par an depuis 1997, à tel point que le dispositif de lutte est devenu non seulement redoutable et démesuré mais encore incompréhensible pour le commun des mortels !
Comme le Cercle Lafay (qui prône une amélioration des relations URSSAF/Entreprises) le dit et le redit : notre législation a banalisé la notion de travail dissimulé, devenue au gré des années, une notion « attrape tout ». Et de même que Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, la plupart des citoyens et des entreprises pratiquent le travail dissimulé sans même s’en rendre compte. Ainsi pour les URSSAF constitue du travail dissimulé le cas de Mamie bistro qui aide bénévolement son conjoint, le client du bar qui vient rapporter son verre au comptoir, l’entraide entre voisins, la personne qui vient aider son frère sur un marché, les laissés-pour-compte qui reçoivent un modeste pécule, l’entraide familiale, le fait de payer des heures supplémentaires en primes exceptionnelles, même si l’URSSAF ne subit aucun préjudice …. Faut-il continuer ? Comment ne pas s’étonner dans ces circonstances que plus du 1/3 des redressements URSSAF soit lié à du travail dissimulé !
Et gare aux entreprises qui tombent dans les filets de l’URSSAF ! Quels que soient les arguments invoqués, les sanctions sont inscrites : une procédure contradictoire réduite à la portion congrue, un redressement forfaitaire par salarié non déclaré avec des taux de majorations de retard « aggravés», une possibilité pour les organismes de recouvrement de procéder, sur une période de 5 années, à l’annulation totale des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales, un refus de délivrance de l’attestation de vigilance, la mise en œuvre de la procédure de saisie conservatoire, l’inscription de privilège… ? Comme l’ont indiqué certains auteurs, il s’agit d’ « un arsenal d’une violence juridique et économique inouïe ».
Certes, il convient de lutter contre le travail illégal ! Mais pas de cette manière ! Comment peut-on accepter de mettre dans le même sac la multinationale qui fait travailler des salariés sur des chantiers sans les déclarer et le cas de Mamie bistro ? Aurions-nous perdu la raison ?
Et le pire, c’est que cette diarrhée législative continue, dans l’indifférence générale, avec le silence assourdissant des représentants des syndicats d’employeurs, qui espèrent sans doute passer au travers des gouttes ! Déjà en 1991, un rapport du Conseil d’Etat pointait les lois « complexes, foisonnantes et instables ». Que dirions-nous aujourd’hui ?