Passée la tempête médiatique du redressement par l’URSSAF à 14 000 euros pour le chef étoilé qui avait eu l’outrecuidance de manger le midi sur le pouce dans son restaurant et du redressement à 13 000 euros pour des propriétaires d’une pizzeria, Gérald Darmanin, ministre de tutelle de l’URSSAF, a cru éteindre l’incendie par un tweet (21 octobre 2019) : « Oui, situation absurde issue d’une règle obsolète ! ».
Toutefois, cette réponse paraît un peu simple, trop simple même. En effet, à y regarder de près, on ne compte plus les redressements effectués dans le passé et sans scrupule par les URSSAF sur ce thème et ce, malgré les mises en garde des professionnels, et malgré les demandes répétées des parlementaires (question de M. Jean-Marie Sermier – JO du 23/10/2007 -, de M. Daniel Fasquelle – JO du 28/06/2016 -, de M. Daniel Gremillet -JO du 08/12/2016).
Dernièrement, le sénateur Daniel Gremillet avait attiré l’attention de Muriel Pénicaud, ministre du Travail sur le montant de l’avantage en nature nourriture retenu pour les dirigeants d’hôtels cafés restaurants. La réponse avait été un simple rappel des textes, sans qu’aucune réflexion ne soit menée pour changer quoi que ce soit (Réponse Gremillet n° 688, JO 7 février 2019, Sénat question p. 712).
On est heureux de constater neuf mois plus tard que le collègue de Madame Pénicaud au gouvernement considère la règle obsolète et absurde … N’aurait-on pu s’en apercevoir avant ?
Le gouvernement use et abuse aussi de son argument favori : la loi sur le droit à l’erreur du 10 août 2018, remède magique sensé résoudre toutes les difficultés rencontrées vis-à-vis des administrations.
Gérald Darmanin le dit et le redit : « j’ai signé le décret qui renforce le droit à l’erreur dans les URSSAF. Ce décret prévoit une série de mesures concrètes qui simplifient la vie des entreprises ».
Le problème, c’est que personne explique en quoi ce droit à l’erreur, texte technocratique qui fait régulièrement l’objet de violentes critiques sur son inapplicabilité, serait une avancée pour les cotisants. Les pouvoirs publics se gardent bien de diffuser la moindre statistique en la matière.
La question des relations avec les URSSAF mérite d’être traitée de manière sérieuse, autrement qu’à coups de tweets triomphants et vite oubliés.
Gérald Darmanin ne cesse de le dire : « la défiance entre les français et leurs administrations doit laisser la place à la confiance ».
Lorsque 9 contrôles d’URSSAF sur 10 donnent lieu à un redressement, lorsqu’on lit les tweets désespérés de dirigeants d’entreprises de bonne foi assommés par les URSSAF, comment peut-on espérer que la confiance s’instaure dans ces conditions ?
La véritable réforme pour rendre les URSSAF à l’écoute des entreprises consisterait à créer des conditions de dialogue entre ces organismes et les employeurs. Cela pourrait se faire en donnant la possibilité d’avoir recours à un supérieur hiérarchique de l’inspecteur en cas de difficultés lors de la vérification ; ou encore, en donnant au cotisant la possibilité de défendre physiquement son dossier devant la commission de recours amiable, première étape du contentieux…
On en est loin…Et d’ailleurs, le fameux décret du 11 septembre 2019 auquel le ministre fait référence augmente les pouvoirs des organismes dans le cadre du contrôle (emport de documents, possibilité de pratiquer une vérification sur des données et documents partiels…).
Ce ne sont pas les tweets qui changeront les choses, mais une vraie réforme en profondeur, qui ne coûterait rien à l’Etat, mais rétablirait entre l’Etat et les entreprises une chose qui manque encore énormément : la confiance.