Pour aider les entreprises en difficulté, un dispositif exceptionnel d’activité partielle a été mis en place par l’Etat. Rappelons que l’activité partielle ne peut être accordée que dans des cas bien précis et notamment, elle interdit le travail du salarié à qui elle est destiné. Qui plus est, le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 simplifie la procédure et réduit les délais de traitement des demandes avec effet rétroactif à compter du 1er mars 2020. Pratiquement,
▪ l’employeur dispose d’un délai de 30 jours pour déposer sa demande d’activité partielle à compter du placement des salariés en activité partielle.
▪ l’avis du Comité social et économique qui devait auparavant intervenir avant la demande d’activité partielle, peut désormais intervenir a posteriori et être adressé dans un délai de 2 mois après la demande, pour tenir compte des circonstances exceptionnelles
▪ enfin la décision de l’administration est rendue en 48 H. À défaut de réponse, la décision est positive.
Selon les statistiques, 5,8 millions de salariés seraient couverts par le chômage partiel au sein de 400 000 établissements, pour un coût encore provisoire de 19,6 milliards d’euros en trois mois.
Si la plupart des demandes sont justifiées, on ne peut cependant pas exclure certains abus (d’aucuns allant même jusqu’à écrire que « les abus se multiplient » Les Echos du 6 avril 2020). Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement a pris au sérieux ce risque de fraude en rappelant par communiqué du 30 mars 2020 aux entreprises concernées les sanctions applicables en cas de fraude. Mieux, le même communiqué a invité les salariés à signaler tout abus constaté, en attendant les contrôles de l’administration … La vigilance est donc de règle.
I – La qualification de l’infraction
Il est clair en l’espèce que le fait de travailler pendant une activité partielle serait constitutif de travail illégal (C trav art L 8211-1 6° qui mentionne la fraude ou la fausse déclaration prévue à l’article L. 5124-1 (qui lui-même vise « le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement des allocations mentionnées aux articles L. 5122-1 », soit l’activité partielle)
Qui plus est, ce type d’ infraction serait constaté par des agents de contrôle (C trav art L 8271-1) qui sont notamment dans notre domaine les agents de contrôle de l’inspection du travail et les inspecteurs des URSSAF (C trav art L 8271-1-2)
II – La procédure de contrôle applicable
Ces agents disposent d’un droit de communication qui ne semble guère connaître de limite. Ainsi, dans le cadre d’un contrôle classique, les inspecteurs du travail peuvent se faire présenter au cours de leur visite et quel qu’en soit le support, « l’ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par la réglementation du travail » (C trav art. L. 8113-4). De même, dans le cadre d’un contrôle URSSAF, la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle (CSS art R 243-59 II). Mais, ces pouvoirs sont encore élargis en cas de travail illégal puisque lesdits agents peuvent exiger que l’employeur leur remette « copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions relatives à la lutte contre le travail illégal » (C trav art L. 8271-6-2). Ajoutons que les différentes administrations sont en droit de se communiquer les différentes informations qu’elles détiennent (art L 8271-2 du Code du travail). Tout porte à croire que ce droit de communication portera principalement sur les fiches de paie des salariés placés en activité partielle. En effet, la nouvelle mouture de l’article R 3243-1 du Code du travail oblige les employeurs à mentionner sur les bulletins de paie le nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité partielle ainsi que la somme afférente perçue par le salarié. En outre, dans sa fiche technique sur l’activité partielle (état au 3 avril 2020), le ministère du Travail a souligné qu’« afin de faciliter le travail d’étude statistique et le contrôle des unités départementales des DIRECCTE, les informations inscrites dans le bulletin de paie, notamment celles relatives à l’activité partielle, sont désormais accessibles au ministère du Travail, dans le respect du régime de protection des données à caractère personnel »
D’autre part, les agents peuvent mettre en œuvre leur pouvoir d’audition. Ils sont en droit d’entendre « en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, toute personne rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou un travailleur indépendant afin de connaître la nature de ses activités, ses conditions d’emploi et le montant des rémunérations s’y rapportant, y compris les avantages en nature » (C trav art L 8271-6-1 – Lorsque l’audition est faite par un agent de l’URSSAF, il doit être fait mention au procès-verbal d’audition du consentement de la personne entendue ; la signature du procès-verbal d’audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l’audition CSS art R 243-59 II dernier al). Toutefois, cette audition doit compter avec les garanties procédurales offertes à l’employeur et listées à l’article 61-1 du Code pénal. Ces garanties sont le droit d’être informé :
▪ de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre
▪ du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue
▪ de cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète
▪ du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire
▪ du droit d’être assistée au cours de son audition par un avocat
▪ de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit
Une fois le contrôle terminé, et s’il constate une fraude à l’activité partielle, l’agent de contrôle dressera le procès-verbal de constat. Il informera l’employeur des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues (art L 8113-7 du Code du travail). Enfin, l’agent de contrôle enverra le procès-verbal au procureur de la République et au Préfet du département.
III – Les sanctions applicables
Deux types de sanctions peuvent être envisagées
D’abord, le procureur de la République peut engager des poursuites sur la base de l’article 441-6 du Code pénal. En effet, cette fraude est constitutive du délit de faux et est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Ensuite, le Préfet peut mettre en oeuvre des sanctions administratives. En tenant compte de « la gravité des faits constatés, la nature des aides sollicitées et l’avantage qu’elles procurent à l’employeur », le Préfet peut demander au contrevenant le remboursement des aides perçues au cours des douze derniers mois précédant l’établissement du procès-verbal et lui refuser pendant une durée maximale de cinq ans, certaines des aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture (C trav art L. 8272-1). Au titre de l’article L. 8272-4 du Code du travail, le Préfet peut également exclure l’entreprise des procédures de marché publics.
Ces sanctions nécessitent la mise en œuvre d’une procédure contradictoire. Qui plus est, les sanctions pénales et administratives peuvent se cumuler.
IV – Des possibilités de contestation
Les sanctions pénales peuvent être contestées devant le juge pénal en mettant en avant les irrégularités du procès-verbal transmis au Procureur de la République. En effet, les procès-verbaux sont soumis à un formalisme particulier que les employeurs doivent vérifier. Ils doivent être dressés par un agent compétent et doivent, à peine de nullité, comporter l’ensemble des mentions obligatoires.
Quant aux sanctions administratives, elles peuvent être contestées devant le Tribunal administratif par le biais d’un recours pour excès de pouvoir. L’employeur pourra notamment faire valoir un éventuel vice lors de la procédure contradictoire. Il pourra ici aussi soulever l’incompétence du décisionnaire. Enfin, il pourra également démontrer la disproportion de la mesure eu égard aux critères mentionnés à l’article L. 8272-1 du Code du travail.
Comme on le constate, des possibilités de recours existent, même si les procédures sont longues et requièrent un avis spécialisé. Mais gageons que, finie la période de confinement, ce type de vérification et de contentieux va se développer !